L'aventure médicale d'un pied gauche

J'ai pris une douche ce matin. Vous me direz que l'information n'a aucun intérêt, tant est banal, quotidien, cet acte d'hygiène corporelle.

Et pourtant, quelle aventure ! Prendre une douche quand vous n'avez qu'un pied d'appui, un tabouret inadapté à poser dans la baignoire (oui, parce qu'évidemment, si j'avais eu un bac à douche, ça aurait été plus facile), l'autre pied soigneusement isolé dans un sac poubelle, relève de l'exploit sportif.

Sans parler du look hyper-sexy que je devais avoir !

J'ai failli chuter 10 fois et j'ai eu tellement peur que j'en ai fait pipi dans la baignoire ! Mais me voilà propre comme un sou neuf avec un plâtre indemne et le moral plus joyeux.

Je regarde mes radios du pied gauche : 2 belles agrafes s'affichent fièrement en transparence. Comme des agrafes de bureau. clic ! clic !

Ces 2 agrafes, et l'auto-greffe qui a été effectuée en même temps que leur pose, doivent me permettre de reprendre la marche normalement dans quelques mois. Pas de ''rétro-planning'' précis. ça dépendra .....

Mes échénances prochaines sont :

- les rendez-vous quotidiens avec l'infirmière pendant 15 jours avec le retrait des points de suture sur mon côté gauche en fin de soins.

- le rendez-vous avec l'orthopédiste dans 2 mois pour faire un premier bilan et envisager une date de déplâtrage (ou pas). 

J'ai rempli mon agenda désormais vide d'un compte à rebours sensé me rassurer : chaque jour qui passe est un pas (façon de parler !) vers la guérison et le retour à une vie normale. Tiens, c'est quoi une vie normale ? Est-ce que j'avais une vie normale avant l'opération ? Sans doute pas avec mon rythme de dingue !

Ouh la la ! que c'est handicapant d'être handicapée !

Vous avez déjà vu ces émissions où des personnes parfaitement valides se mettent un moment dans la peau d'une personne handicapée ? On se dit ''Mon Dieu ! Comme ça doit être épouvantable de vivre en fauteuil roulant !'' et puis on oublie et on passe à d'autres sujets de réflexion plus agréables.

Je suis en train de tester grandeur nature la situation d'une personne ne disposant que d'une jambe pour se déplacer. ça va durer au minimum 2 mois. Cela fait 5 jours que j'ai été opérée et j'en ai déjà assez ! Stop ! on arrête tout ; c'est pas drôle du tout. Rendez-moi ma jambe gauche. On efface tout et on repart d'un bon pied.

Ben non, il va falloir rester comme ça pendant un moment. C'est affreux ! Chaque déplacement est une souffrance physique pour le moment (ça, ça devrait s'arranger assez rapidement dès que la plaie au côté sera cicatrisée et pareil pour le pied) en même temps qu'un exploit sportif !

Par exemple, je viens de tester le petit déjeuner sur une jambe :

Remplir la bouilloire en allant à cloche-pied de la table de la cuisine à l'évier. Revenir sans tomber sur la table. Allumer l'appareil. Aller chercher la boîte de café instantané sur l'étagère. Trop loin. Reprendre les béquilles. Attraper la boîte de café. Aller chercher un bol dans le placard. Réaliser qu'on ne pourra pas porter le bol plein dans le salon (les 2 mains étant occupées en permanence par le port des béquilles). Aller chercher une chaise qu'on pousse vaille que vaille dans la cuisine. Réaliser que ça va être drôlement casse-pieds pour ma coloc de trouver à longueur de journée des chaises sur son chemin ! L'eau est bouillante. Se tenir à la table et verser l'eau dans le bol. Verser le café. Se rappeler que les oranges sont dans le bac à légumes (tout en bas du frigo). Faire des acrobaties pour en attraper une. Se poser épuisée sur la chaise. Se rendre compte qu'il faut un couteau pour étaler le beurre sur les tartines. Se relever péniblement. Se rassoir avec tout le matériel à porter de main. Savourer ce moment de repos intense : un café au lait, des tartines de beurre, le journal.Avoir envie d'un verre d'eau. Y renoncer - trop d'efforts à fournir.

nota : Pour le journal et pour tout autre objet à transporter, j'ai fixé un sac en tissu à l'une de mes béquilles. De même, j'ai en permanence autour du cou un sac contenant un stylo, mon téléphone portable, un bloc de post-it, mes anti-douleurs, des mouchoirs.

Lundi 26 novembre 2012

Voilà, la décision est prise. Je vais passer sur le billard. Enfin ! déjà ! Et ensuite, ce sera 3 mois sans poser le pied par terre. Inimaginable pour la folle hyperactive que je suis !

16 mois que mon pied me fait souffrir, 16 mois que j'angoisse sur un diagnostic qui n'est jamais venu. Le chirurgien m'a assurée que je gambaderai comme un cabri dans quelques mois si je respectais bien le protocole.

J'ai créé ce blog avec l'idée de déposer ici mon fardeau lorsque l'occasion se fera sentir, peut-être tous les jours, peut-être de temps en temps et aussi en toile de fond l'envie de partager cette expérience dont je soupçonne qu'elle va être redoutable.